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momobaka  


               Que dieu peut être cruel
 

        Cette sensation de flotter, de ne plus toucher terre, de ne plus rien peser ; elle parcoure tout mon être tandis que je tourne encore et encore. Puis je ralentis, petit à petit, pour revenir à ces sensations plus réelles que sont le poids et la gravité. J’ouvre les yeux et me resitue dans ma chambre, la tête qui tourne légèrement après avoir joué sur ma chaise de bureau. Je regarde autour de moi, par la fenêtre, le ciel est bleu sans aucuns nuages, le soleil illumine le monde de ses rayons chauds et les papillons dansent dans le jardin ; un paradis.

        Après avoir vérifié l’heure sur ma montre et mon portable, je finis de me préparer en mettant mes chaussures préférées et ma veste, avant de saluer mes parents, de leur souhaiter une bonne journée et de leur rappeler que je les aime pour terminer ce rituel matinal en fermant la porte sur un « à ce soir ». Il y a déjà du soleil à sept heure et il fait dix-neuf degrés. Je marche doucement jusqu’à mon arrêt de bus, la tête tournée vers le ciel et la musique dans les oreilles. Arrivé je m’assieds sur le banc pour attendre en observant les autres personnes. Tous les matins elles se disent bonjour et posent les mêmes questions banales « comment tu vas ? » et « quoi de neuf ? ». Vous vous êtes vu hier et vous avez surement passé une bonne partie de la soirée à parler par messages, donc que peut-il y avoir de neuf ?! Je ne les comprends pas. Une fois dans le bus je me mets devant et du côté fenêtre pour continuer à observer. Le ciel est toujours aussi bleu et le soleil lumineux. Je frémis à la vue du feuillage des arbres caressé par le vent. Si froid.

        Je souffle sur mes mains avant de reprendre mon sac messager pour quitter le bus. Toujours avec ma musique je marche le long du chemin me menant au lycée. Comme à mon habitude je le regarde de loin jusqu’à avoir franchi les grandes portes de la cour. Des vieilles portes en métal ornées du blason de l’établissement depuis une centaine d’année. Je m’assois à nouveau pour attendre, mais cette fois-ci mes amis et la sonnerie des cours qui s’en suit. Lorsqu’ils arrivent je réponds avec les politesses de rigueur puis je les écoute parler, en rigolant parfois à quelques anecdotes, pendant cinq à dix minutes, jusqu’à ce qu’on soit interrompu par le signal sonore.

        En classe, je suis assis à côté d’une amie, une fille brillante et plein d’avenir et d’ambition. Derrière, un garçon avec qui je ris beaucoup mais que je ne peux qualifier d’ami, il ne sait rien de moi. Lui aussi à des capacités et des motivations. J’assiste en silence à chaque cours de la journée, en regardant régulièrement ma montre et le ciel toujours aussi bleu. Le soir des cours je rentre chez moi par le même bus que le matin, puis je défais mes affaires, je zappe les chaines sur la télé, je mange et je garde la télé allumée, minuteur programmé, pour m’endormir. J’ai mal aux yeux de toute cette lumière de la journée et je suis fatiguée d’avoir à sourire pour faire bonne figure. Je regarde mon plafond en cherchant le sommeil qui a l’air de me fuir une fois de plus. Je n’ai envie de rien. Même pas de vivre.
        Le jour se lève, il est six heures, il y a du soleil et il fait quinze degrés. Je me prépare pour partir et avant de finir, je m’assis dans ma chaise de bureau, je ferme les yeux et tourne. Après dix minutes à faire ça, j’enfile mes chaussures préférées et ma veste. Je fais le chemin jusqu’à mon arrêt de bus, puis jusqu’au lycée. Toujours la même chose. Les mêmes personnes, les mêmes conversations ; je suis toujours là à observer et écouter en silence. Le temps passe lentement et avant de m’en rendre compte je suis endormie sur ma table en classe. Comment est-ce possible ? Je suis debout, à côté de mon amie, alors comment mon corps peut-il être assis à ma place ?! J’approche ma main de lui et je me sens aspiré à l’intérieur.

        Alors que je me redresse sur ma table, mon ami m’indique discrètement la question pour laquelle le professeur attend une réponse de ma part. Je les dévisage tous les deux, perplexe, tout en relisant mes notes. Que s’est-il passé ? Etait-ce un rêve ? A la pause de dix heures je me précipite aux toilettes pour essayer de recommencer, ou plutôt pour essayer de savoir si c’était réel. Je suis enfermé depuis dix minutes sans réussir, je me décide donc à abandonner. Quitter son corps ? N’importe quoi ! Je suis fou ou quoi ?! J’entends soudain des voix provenir des toilettes des filles. Elles parlent de se taper des mecs et jugent ceux du lycée par rapport à leurs muscles et leur capacité en sport. Pathétique. Je ferme les yeux tandis que je perds un peu plus fois en l’humain et lorsque je les rouvre à la sonnerie de reprise je me vois assis sur les toilettes la tête retenue contre le mur gauche. Que faire ? Il faut que j’aille en cours mais en même temps j’ai trop envie de profiter de cet état et découvrir ce qu’il peut m’apporter. Je décide de me balader un peu. Je pourrais toujours prétexter un problème pour justifier un retard quinze vingt minutes.

        Tandis que je quitte les toilettes en traversant les murs, je rentre littéralement dans une fille de ma classe. Alors que je suis sonné je me rends compte que je contrôle son corps. Mais pas le temps de m’en réjouir que ses amies m’aient trainée en cours. Pendant que la fille assise à côté de moi parle, j’observe le monde sous un nouveau regard. Je ressens chaque sensation de manière nouvelle. La lumière du jour ne me fait plus mal aux yeux et le soleil me réchauffe enfin de ses rayons. Je sens de légères brises de la fenêtre ouverte dans ses cheveux longs, caressant sa peau. Lorsque celui-ci passe sur sa nuque je ressens de tout nouveaux frissons. Une chaleur électrisante lui parcourant le corps. Je sens également les regards de plusieurs garçons de la classe. Mais plutôt que de me déranger, je sens ce corps se remplir de passion. Alors que je ne tiens plus en place, la fille à côté de moi me conseille discrètement de me soulager dans les toilettes. Etait-ce habituel comme sensation chez ces filles ? Et oserais-je seulement ? Ce n’est pas mon corps… Mais pourtant… Si ! En cet instant précis, ceci est mon corps et se sont mes désirs. De plus le fait de me retenir ne fait qu’accentuer mon envie de me soulager.

        Je demande au professeur pour aller aux toilettes avec l’affirmation de cette fille que je me sens mal. Aux toilettes j’hésite à le faire. Je ferme les yeux, me concentrant sur chacune des sensations. C’est plus fort que moi. Ma main se faufile dans mon pantalon, puis mon string et quelques doigts viennent se plaquer contre mon clitoris. Le contact me fait frémir légèrement tandis que j’entends un bruit de porte. Je ferme la bouche en ne pouvant empêcher mes hanches de bouger. J’entends une voix d’homme me parvenir. Le mec le plus populaire de la classe et délégué est venu « voir comment je vais ». Il me susurre à travers la porte de lui ouvrir pour m’aider à me soigner à sa façon. Sa voix, l’évocation de sa personne, tout ceci enflamme mon corps. Je me retrouve à désirer un homme ?! C’est ridicule et pourtant bel et bien vrai. Je ne peux rien contre ça et j’en ai trop envie pour chercher à résister.

        Je lui ouvre et l’embrasse tout en refermant derrière lui. Je sens mon corps brûler sous ses caresses et je jouis lorsqu’il me pénètre. C’est tellement bon. Je perds la raison. J’en veux plus. Je veux le désirer encore et encore. Après qu’il jouit en moi nous retournons en classe comme si de rien était. Le professeur me demande si je vais mieux tout en s’inquiétant pour le vrai moi. Aucune nouvelle depuis presque une heure alors que je devais juste aller aux toilettes. J’explique que je me suis croisé dans les couloirs et que j’ai oublié de prévenir d’un rendez-vous chez le médecin. L’amie de cette fille me dévisage surprise et alors que le cours reprend je retourne dans mon corps pour revenir en classe. A mon arrivé je donne un mot d’excuse bidon fait juste avant d’entrer e je vais m’assoir à ma vraie place. Je regarde les deux filles et celle dont j’ai occupé le corps à l’air de se porter bien. Je sens en moi un vide. Ce que j’ai expérimenté juste avant était si intense et agréable. Mais je suis à nouveau prisonnier d’un froid constant et d’un lumière aveuglante.
        Un nouveau jour se lève, toujours aussi ensoleillé. Je commence cette journée comme les autres, loin des désirs de la veille. Je n’ai aucun intérêt dans cette vie donc pourquoi ne pas vivre celle des autres ? Arrivé au lycée je m‘enferme dans des toilettes hors services et je ferme les yeux. Tandis que mon esprit sombre dans mes pensées je me sens quitter mon corps. Incroyable, j’y arrive facilement cette fois. Je me souviens des sensations de le veille, elles m’attirent, mais j’ai envie de tester quelque chose de différent. Je me balade dans les couloirs du bâtiment quand je croise le principal. Des pouvoirs illimités sur cette école et le droit de faire ce qu’on veut. Je flotte vers son corps et entre en lui les yeux fermés. J’imagine déjà un bouleversement émotionnel et une monté d’excitation tout comme la veille. Mais ce n’est pas le cas.

        Je me sens calme et reposé. Pourquoi ? J’ai juste envie d’aller m’asseoir dans mon bureau et d’écouteur du Beethoven durant des heures tout en restant les yeux fermés. Ce sont des sensations si simples et pourtant si agréable. Je succombe à cette tentation et une fois dans le bureau je me jette sur le tourne disque pour y mettre un des disques de ma collection. Je me sens si bien enveloppé par la mélodie d’une sonate me semblant familière. Il s’agit d’un ressenti si différent de la veille et pourtant tout aussi agréable. Je m’enfonce de plus en plus dans un plaisir certain, virevoltant entre les notes et me baladant au-dessus des partitions. Je me sens partir petit à petit, noyé par le plaisir qui réchauffe mon corps et me rend haletant. Et c’est lors du point culminant de cette œuvre d’art que je sens une décharge d’énergie m’envahir et me dévorer. Un plaisir ultime et palpable. C’est alors qu’on frappe à la porte. Je décide de m’éclipser une fois de plus de mon hôte, laissant pour lui seul le plaisir et la chaleur ressentis. Ce n’est pas juste, pourquoi les autres sont les seuls à pouvoir garder ces plaisirs ? Pourquoi moi je n’y ai pas le droit en permanence ? Qu’ils sont égoïstes.

        Ça ne fait qu’une demi-heure que j’ai commencé à m’amuser et pourtant c’est tout comme hier, les moments les plus intenses de ma vie… J’aire à nouveau dans les couloirs, aussi vides que mon être. Soudain j’entends hurler à l’aide d’une personne d’étages en dessous. Je me précipite pour assister à la scène et je vois dans les toilettes du premier étage une femme de ménage, paniquée et appelant les personnes les plus proches, devant mon corps inerte. Un de mes professeurs ayant cours à cet étage arrive et cherche à prendre mon pouls, sans succès. Je fonce dans mon corps lorsqu’il réessaye tout en restant dans un état second pour ne pas reprendre conscience. Alors que je les entends appeler les secours et que je les sens me transporter à l’infirmerie, j’ai le temps de penser. Je me sens à l’étroit et pourtant vide, mal à l’aise et j’ai froid. J’attends. J’attends. Encore et encore. Il semble s’écouler une éternité.

        Je reprends pleinement possession de mon corps poussé par la lassitude de ses sensations plus que désagréables. Il ne s’est alors écoulé qu’une dizaine de minutes depuis que je suis à l’infirmerie. L’infirmière me tend un verre d’eau en me disant de rester allongé jusqu’à ce que les urgences arrivent pour m’examiner. Je lui explique qu’il ne faut pas s’inquiéter et que je manque juste de sommeil à cause d’insomnies récentes. Elle me remplit à nouveau le verre que je viens de finir et me répond de ne pas négliger ma santé et qu’il vaut mieux prévenir que guérir. Pff… Comme si j’avais besoin d’une morale. Elle me pose plein de questions sur moi et comment je vais, pour lesquelles je donne des réponses plutôt évasives et froides. Comment faire autrement ? Si je parle vraiment, je me ferais juste sermonné. Des gens vivent pire que moi chaque jour. Des gens souffres sous les coups ou le manque. Mais ces gens espèrent, ressentent et rêvent. Moi je ne connais pas tout ça. Je les envie tellement.

        Les urgences arrivent et un médecin me fait un examen rapide tandis que je lui répète ce que j’ai dit plus tôt à l’infirmière scolaire. Il finit par conclure que je dois me reposer le reste de la journée et que l’ambulance va me ramener chez moi sous surveillance. Je suis deux infirmiers jusqu’au véhicule et monte à l’arrière. Durant le trajet je ne dis rien à part pour les indications du trajet lorsque le conducteur se sent perdu. Arrivé devant chez moi, l’infirmier du côté passager m’accompagne jusqu’à l’intérieur et finit par me conduire à mon lit tout en me demandant mille fois si je vais bien. J’ai l’air si mal que ça ? Je fini allonger tandis que lui et son collègue repartent.
        Je fixe le plafond blanc au-dessus de mon lit pendant plusieurs minutes. Si je vais bien ?  Comment je pourrais aller bien ? J’ai mal aux yeux avec toute cette lumière et les fermer n’est pas suffisant. Je meurs de froid malgré ma couverture épaisse. Et surtout : Je me sens inexistant. Je n’ai aucun désir, aucune passion, aucun avenir. Mes seuls sentiments passent par l’intermédiaire d’autres personnes. Et pire que tout : Je suis jaloux. Jaloux de ces gens qui peuvent ressentir des sensations qui me sont inaccessibles. Jaloux de leur corps chauds et vibrants. Jaloux de n’être que froid et terne. Je me lève, le regard vitreux et je m’assied dans mon fauteuil.

        Les yeux fermés je tourne, encore et encore, toujours plus. Et pourtant ? Pourtant rien. Je me sens juste tourner. Loin des sensations d’hier ou de ce matin, je suis juste en train de tourner sur ma chaise. L’illusion est brisée. Tout autant que mon âme. C’est fini ? Je regarde à travers la fenêtre, le soleil m’éblouit et me gêne mais ses rayons ne me réchauffent pas. Pourquoi ?! J’ai compris pourquoi. Mes facultés nouvelles n’étaient pas un don, mais une malédiction. J’ai compris le message qu’on voulait me faire passer. Je saisis les ciseaux dans la trousse à proximité et je pose une lame sur mon poignet gauche. Tout est fini.

        J’appuie et d’un coup sec je me tranche les veines. Je regarde alors le ciel. Un oiseau passe devant moi. Il est si beau. Tandis que mon sang goutte sur les planches de mon parquet, je vois le soleil, sa lumière m’apaise et je sens sa chaleur m’envahir. Les larmes se mettent à rouler sur ma joue tandis que je sens mon cœur battre de moins en moins vite. Je souris devant ce spectacle ; pour la première fois je me sens vivant.

 
 



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